Hache à la main et arc sur le dos, j'avais quitté le village en marmonnant et en traînant des pieds. « La seule mission que je peux te confier est de surveiller les autres pour l'instant, Sigmund. » Évidemment, les autres n'étaient pas assez grands pour se surveiller eux-même et on me refourguait le rôle de faire la babysitter. Mon truc, c'était l'action. Pas veiller sur mes compatriotes. Ok, j'exagérais sans doute, mais je venais de vivre une matinée des plus atroces et je m'attribuais tous les droits d'être dans une humeur maussade. Premièrement, les jeunes que j'entraînais avaient eux aussi décider d'être dans un de ces mauvais jours et n'écoutaient pas mes conseils. Deuxièmement, on avait repéré des sales bestioles dans les alentours, qui risquaient de menacer l'écosystème précaire de l'après-guerre qui s'était installé fébrilement chez les Grounders. Ces animaux là étaient énormes et féroces, une chance cependant qu'elles ne soient pas inébranlables. Ici, la loi du plus fort régnait.  

C'est pourquoi, j'ai tout de même accepté de prendre soin des autres aujourd'hui. Je ne savais pas réellement où étaient allés chasser les autres, et je traquais plus le grand prédateur que les hommes. C'était un de mes traits de caractère prédominant : en faire à ma tête que cela ne tienne ! J'ai rapidement trouvé des empreintes fraîches, mais ce qui m'inquiétait plus était les empreintes humaines à côté. Plus petites que les miennes, j'en déduisis qu'il s'agissait d'une femme. Pendant cinq minutes, je les suivis en silence, à l’affût. J'avais troqué ma hache pour mon arc, sachant très bien que le combat rapproché était à éviter si je ne voulais pas me prendre un coup de griffe mal placé. J'aperçus enfin la bête semblable à une panthère dans la forêt, droit devant moi. Elle se mouvait avec grâce. L'information mit une poignée de secondes avant de remonter : elle traquait une proie. Mon regard glissa très vite vers la droite, et j'aperçus une Grounder de mon clan que je ne reconnus pas tout de suite, étant de dos. Elle entendit elle aussi le bruissement des buissons, et un grognement s'éleva de l'endroit même où j'avais vu l'animal l'instant d'avant. La brune s'élança à travers la forêt, suivie de très près par le félin.

Pas de temps à perdre, je cours à mon tour en prenant un autre chemin, de sorte à éviter d'être en retrait. Je suis à leur gauche, et quand la brune tombe, je suis face à elle, mais ses yeux sont rivés sur la bête. Je reconnais enfin la jeune fille, Myra, la panthère bondit sur elle, les crocs et griffes dehors, prête à en découdre. Une flèche déjà encochée, je la laisse rapidement filer après avoir viser. Elle vient s'enfoncer à l'arrière du crâne de l'animal avec beaucoup de chance. Dans un feulement, je vis le prédateur s’effondrer sur Myra et je m'approcha plus près d'eux.

« Une chance que je sois de sortie n'est-ce pas ? »  Je lui réponds en lui jetant un rictus narquois.

J'enfonce mon pieds dans la panthère qui déjà commence à devenir rigide, plus vite que ce que j'aurai pu imaginé. On m'avait raconté que c'était une altération due à la radioactivité. Encore un des nombreux changements avec lesquels nous avions appris à vivre, en ne pouvant que s'imaginer le Monde d'Avant. J'attendis quelque seconde encore avant de reporter mon regard sur Myra.

« C'est un peu plus gros qu'une biche, mais ça fera l'affaire. »

J'imaginais déjà la peine que cela allait demander de traîner ce gros chat dans toute la forêt, car il était hors de question de le laisser sur place. La bête était belle, si on oubliait la flèche plantée dans son crâne et le sang épais qui en avait coulé, la bave qui s'était amassée aux bords de ses babines et avait moussé avec l'adrénaline. Je devinais encore les muscles sous son pelage luisant qui finirait sans doute en tant que parure. Oui, pour la ramener, nous allions devoir prendre notre temps.

@mew

J'esquissai un sourire en coin quand j'entendis Myra me dire qu'elle me laissait en tirer la gloire. Sa fierté en avait clairement pris un coup, et cela m'amusait plus qu'autre de voir sa réaction. Je me remémorais presque les enfants qui, après avoir essuyé une défaite, retournaient voir leurs compagnons en faisant la moue. Je ne connaissais la jeune femme que très brièvement, mais il me semblait qu'elle soit de bonne compagnie et d'une personnalité intéressante. Je m'arrêtai net et la regardai dans les yeux, d'un sourire narquois.

« Il n'y a pas de honte à avoir d'avoir été prise par surprise. Cela arrive même aux meilleurs. Même aux hommes. »    Je m'attendais déjà à un regard noir pour avoir oser une réflexion plutôt machiste.

Je savais ce comportement agaçant pour la gente féminine, et j'adorais en user. Tirer sur la corde déjà raide était un de mes passe-temps favoris.  Je me penchai en suite au dessus de la bête pour retirer d'un coup sec ma flèche encore plantée dans son crâne. J’essuyai celle-ci sur le revers de ma manche avant de la remettre dans mon carquois.

Puis, je tiltai à sa remarque. Si la raison de ma venue était un choix, je n'en restais pas moins coupable d'avoir suivi sa trace. Si la vérité différait quelque peu, je décidai cependant de jouer quelque peu avec la brune. J'ai toujours eu cette manie là, de considérer avec joie tout événement comme un jeu. Peut-être était-ce un moyen d'alléger notre quotidien, ou de me rendre la vie plus facile, je n'en savais trop rien. Une chose était sûre, j'adorai examiner au peigne fin les réactions de mon interlocuteur.

« Oui. C'est flatteur, tu ne trouves pas ? Qu'un homme tel que moi suive une jeune femme telle que toi ? »  

Alors qu'elle s’attelait à attacher la bête, je me rapprochai à pas félin d'elle, et lorsque j'arrivai à sa hauteur, je me baissai à mon tour et me penche vers l'animal, de sorte à ce que nos deux corps se touchent presque. Je ne brisais pas cette distance, m'amusant à créer une tension irrévocable entre elle et moi. D'une voix plus basse, je continuai sur ma lancée :


« Il faut que tu sois plus ferme, et que tu les serres plus. Sinon.. nous allons devoir nous arrêter en plein chemin pour les refaire. » je lui disais, en tirant sur les cordes d'un coup sec, frôlant au passage son avant bras.

@mew