« Tout est de ta faute John. C'est de ta faute s'il n'est plus là. Tu es un meurtrier ! » L'adolescent âgé de quatorze ans sentit son coeur cesser de battre une demi-seconde. C'était toujours aussi difficile pour lui d'entendre ce genre de chose, surtout venant de sa propre mère mais il ne répondit rien: qu'aurait-il put lui dire après tout ? Il se contenta donc de soupirer, scellant ses lèvres en une moue douloureuse alors qu'il supportait, son bras sous celui de la femme, le poids de celle qui lui avait donné la vie pour lui faire quitter le sol de leur "maison" pour la mener vers les couchette de la cabine. Il ne se faisait pas à ce nouvel habitat: il gardait en mémoire cet endroit où il avait grandit, avec son père, avec sa mère avant qu'elle ne sombre. Cet endroit n'avait rien à voir avec le trou dans lequel ils se trouvaient aujourd'hui. Après l'exécution de son père, ils avaient été reclassé dans un logement plus petit, nécessitant, selon les autorités, moins de place qu'auparavant. Alors que sa mère se laissait glisser dans un sommeil post-boisson, qui était devenu son quotidien depuis quelques années, John se laissa, lui, tomber à même le sol. Ses mains glissèrent dans ses mèches châtains alors que les larmes de l'injustice menaçaient de le submerger. Quatre années auparavant, il était tombé malade et leurs vies avaient basculées. Une mauvaise grippe selon les médecins, mais suffisamment importante pour nécessiter un traitement que les Murphy ne pouvaient lui offrir. Son père avait alors commencé à faire du trafic de denrées, de médicaments qu'il fabriquait pendant ses journées de travail, pour financer ce qui suffirait à lui sauver la vie. Mais il s'était fait prendre. Un rire nerveux traversa ses lèvres alors que l'ironie de la situation lui brulait les yeux: il avait été enfermé quelques jours, le temps de son procès et durant cette courte période, John s'était remis. Suffisamment pour assister à l'exécution de celui qu'il admirait plus que tout. Cette vision d'horreur, il ne parvenait à l'oublier. Son père, mains liées dans le S.A.S. de dépressurisation. Sa mère, en larme, tenue par des gardes de l'Arche. Le chancelier Jaha, debout, entouré d'une multitude de garde, qui donnait l'ordre d'appuyer sur le bouton de la mort. Une demi-seconde. Et tout était fini. « Je le sais bien ... » finit-il par murmurer, sa voix ne trouvant pour réponse que la lente respiration de la seule personne qu'il lui restait dans ce monde.


« Mais qu'est-ce que tu as fais John ?! Pourquoi ne peux-tu pas t'empêcher de tout détruire sur ton passage ? » John soupira, les menottes qui entravaient les mouvement de ses mains le grattait et l'air de profond ennui qu'affichait son visage trahissait le malaise de la situation. Il jeta un air curieux aux autres détenus autour de lui: la plupart du temps, le jour des visites étaient très apprécié des jeunes délinquants qu'ils étaient. Beaucoup caressaient l'espoir d'être graciés à leur majorité, mais John n'était pas de ceux là: il n'était pas dupe, rares étaient ceux dont le dossier était réellement examiné. En cas de délit mineur, ils avaient une chance mais dès lors qu'il s'agissait d'autre chose qu'une simple dégradation involontaire de matériel, il n'y avait aucun espoir. Contrairement à ce que sa mère semblait penser, il savait qu'il ne sortirait jamais de la Boite. Il mourrait dès qu'il aurait l'âge requis pour être envoyé à la dérive. « Tu m'écoutes ? Tu n'avais que blessé un garde involontairement, tu avais des chance de voir ton casier effacé, mais te battre avec les co-détenus ... Tu veux vraiment qu'ils te ... » Son regard clair se posa dans celui de sa mère. Il était froid, distant de tous ces mots qu'elle lui crachait à la figure depuis une quinzaine de minutes. A quoi bon ? Le système était pourri de toute manière.


« Vous avez été choisi parce que vos crimes vous rendent sacrifiables ... » Le visage du Chancelier s'affichait sur les écrans de la navette et John faisait face à l'un d'eux. Sanglé fermement à un siège, il observait celui qu'il tenait pour responsable de l'échec de son existence annoncer qu'il les sacrifiait pour le bien commun. Ils partaient réaliser Le Rêve: retourner sur Terre. Mais cela ne lui disait trop rien: on lui avait dit qu'il faudrait encore 2 générations avant d'envisager quoi que ce soit. Et voilà qu'il se retrouvait dans une boite de conserve, en route vers le cauchemars de tous les enfants, et le rêve de tous les idéalistes amoureux de cette vieille histoire de l'humanité vivant sur Terre. Des éclats de voix se firent entendre: le fils du chancelier se trouvait là, dans la navette. Le petit Prince était parmi eux, et John eut un sourire mauvais. « Je parie mes mitaines qu'il ne tiendra pas 48h. » Il tourna la tête vers son voisin qui lui tendit, du mieux qu'il put, la main. « John Mbege. » se présenta-t-il, lui arrachant un rictus moqueur. Face à l'air d'incompréhension de l'adolescent, il expliqua « John Murphy. » Ils avaient les mêmes initiales. Un mouvement les attira vers une forme flottante: on ne retenait pas des gamins qui avaient été enfermés depuis des mois. Il se mit alors à rire avec les autres, appréciant cette fausse liberté avant leur mort imminente quand l'entrée dans l'atmosphère rendit la stabilité de la navette périlleuse. L'engin se posa dans un vacarme insoutenable et John fut parmi les premiers à se détacher pour descendre au niveau inférieur et voir ce qu'il y avait derrière la lourde porte blindé. Il soupira en constatant que le Prince n'était pas le seul qui tenterait de faire sa loi: la Princesse de l'Arche était là aussi, avec ses boucles blondes et son air suffisant. Qu'il les détestait tous autant qu'ils étaient. Et là, sortit de nul part, un garde de l'Arche, enfin, au premier abord. Les merveilleuses retrouvailles familiale lui arrachèrent une moue dégoutée et il se positionna juste derrière la Princesse pour pouvoir observé la Terre derrière le mécanisme qui s'ouvrait peu à peu. Il inspira. Rien. Il expira alors. Pas de trace de mal être ? Finalement, la Terre était peut être réellement leur seconde chance ?